Par Yves St-Jean

La Chronique d'hier à aujourd'hui

2011

Les Historics Trans-Am aux Légendes du Sport Motorisé en 2011 au circuit du Mont-Tremblant

1966

La McKee Ford de Marius Amyot à la Player's Québec au Circuit du Mont-Tremblant en 1966

1967

Le départ des 4 Heures du Circuit en 1967 au circuit du Mont-Tremblant

La nouvelle Ford Mustang Shelby de Richard

Richard et sa Ford Mustang Shelby lors d'une course régionale en 1967

1968

La Ford Mustang de Gagnon Springs

La Chevrolet Nova de Gagnon Springs

La Pontiac Firebird de Craig Fisher

Richard dans la Chevrolet Camaro Z28 de Gagnon Springs à Westwood en 1968

Westwood en 1968

 

Pour quelques dollars de plus

Comme l'indique le titre de la chronique Flashback, je vais vous transporter dans les années '70, c'est-à-dire à l'époque de mes 20 ans, avec l'aventure d'un pilote québécois qui est passé à quelques dollars de devenir une vedette nord-américaine. Ce qui était plutôt rare à ce moment-là.

La série (Historic Trans-Am) qui existe aux États-Unis depuis quelques années a fait un arrêt, en 2011, au circuit Mont-Tremblant afin de remémorer quelques beaux souvenirs aux nostalgiques et de faire découvrir aux plus jeunes ce qui étaient nos voitures de compétition de rêve.

La Can-Am et la Trans-Am. étaient les deux séries en circuit routier les plus populaires en Amérique du Nord et attiraient un grand nombre de spectateurs. Aujourd'hui, les collectionneurs qui affectionnent ces voitures sont prêts à dépenser beaucoup d'argent pour les retrouver et les restaurer. Afin de demeurer les plus originales possibles, ces voitures doivent avoir participé officiellement à un événement de la Trans-Am entre 1966 et 1972. C'est pourquoi l'authenticité des voitures est obligoire et la valeur varie selon le constructeur, les pilotes, les résultats obtenus et tous leurs antécédents.

Lorsqu'une de ces voitures est retrouvée, on s'efforce de remonter dans le temps, afin de dénicher les anciens propriétaires des dernières années. Comme la trace est souvent perdue, la recherche se fait par d'anciennes photos ou bien d'articles ce qui nous permet de reconstituer l'historique de la voiture, et il arrive souvent que l’on fasse appel à mes documents et à mes souvenirs.

C'est suite à une demande d'un américain que le sujet de l'article d'aujourd'hui a débuté. En janvier 2012, je reçois un "e mail" de celui-ci concernant une voiture de la série "Trans-Am" que Richard Dick-Brown avait conduit en 1969. Suite à mes contacts, j’ai pu entrer en communication avec une idole de mon époque. Le hasard faisant parfois bien les choses, Richard se trouve, en Floride, à son condo, et moi je suis à vingt minutes de chez-lui, en auto. Donc, on se donne rendez-vous pour le déjeuner. Imaginez! Déjeuner en présence d’un ex-pilote de Trans-Am des années 70 et qui, de plus, était pour moi une vedette de ma jeunesse, un rêve...

Richard, qui habitait la région de Montréal, a commencé à s'intéresser au sport automobile au milieu des années ‘60. Il devient membre d’un club organisateur de courses et s'inscrit à des événements de slaloms. C'est en suivant son école de pilotage, qu'il fait la connaissance de Normand Verreault avec qui il se lie d'amitié. Normand pilote au début une Grifith, une voiture de sport avec un moteur 289 Ford. Par la suite, il fait l'acquisition de la Mc-Kee Ford accidentée lors des essais de la course Players Québec 1965. Cette voiture était la propriété de Peter Lerch. Elle était originalement une Lotus 19, avec le châssis numéro 963, qui avait été transformée par Bob Mc-Kee de Chicago et qui était propulsée par un moteur Cobra. Normand l'avait reconstruite avec les plans de Mc Kee Engeenering et inscrite à la première course Can-Am 1966 à Tremblant ayant Marius Amyot comme pilote. Richard a fait quelques essais au volant de cette voiture et rêvait de conduire ce type de voiture éventuellement, c'est-à-dire un groupe 7.

1967: Première victoire au Grand-Prix de Trois-Rivières

Richard s'aperçoit qu'il a de la facilité à conduire des voitures de grosses cylindrées. Au mois de mai 1967, une course hors-championnat de la série Trans-Am est organisée au circuit Mont-Tremblant. Cette série en est à sa deuxième année d'existence aux U.S.A. et Richard voit qu'il y a beaucoup de possibilités pour les commanditaires. Le SCCA déploie beaucoup d'efforts avec les manufacturiers afin d’en mousser la publicité. Au Canada, il y a plusieurs compétiteurs qui ont adopté cette catégorie de voitures. Richard se met à la recherche d'une bonne voiture déja construite pour la série. Il fait donc l'acquisition de sa première vraie voiture de course, il s'agit d'une des seize Mustang 1966 de compétition construites par Shelby et destinées à la clientèle. Ces voitures, aujourd'hui, ont presque toutes été retrouvées et valent une fortune. Celle de Richard a été la onzième construite et livrée chez HARR Ford de Worchester, Mass. pour le pilote Peter Lake qui a participé à plusieurs épreuves de Trans-Am en ‘66 et début ‘67 avec de très bons résultats. La voiture a d'ailleurs terminée en sixième place à l'épreuve hors-championnat de Tremblant et elle deviendra la possession de Richard pour 3 500$ à la condition d'aller la chercher à Boston.

Chose faite, Richard, ayant une licence nationale, participe aux championnats locaux avec sa nouvelle voiture et termine deuxième à Mosport au Championnat Canadian Touring. Il s'inscrit au GP3R - 1re édition en ‘67- l'événement deviendra le tremplin pour plusieurs pilotes au fil des ans. Il gagne la course Touring, devant François Favreau, avec la Mustang de Gilles Vincent, une voiture construite et achetée de Comstock, une division canadienne de Ford Racing et qui a des liens très étroits avec Shelby. Lorsque Richard sortit de sa voiture, après sa victoire, un spectateur parmi la foule se présenta en lui donnant sa carte d'affaires, il lui dit: «J'aime ta manière de conduire et je voudrais devenir ton commanditaire , viens me voir à mon bureau lundi». Cet homme était Robert Gagnon et cette entrevue fut le commencement d'une belle aventure...

La Mustang a terminé la saison avec le logo de Gagnon Springs. Elle fut vendue, par la suite, à un compétiteur de Québec et, malheureusement pour l'histoire et la valeur monétaire de celle-ci, elle a disparu et ne fut jamais retrouvée.

1968: Avec l'équipe Gagnon Springs

Robert Gagnon était un homme d'affaires prospère dans le domaine de l’automobile. Il était propriétaire de Gagnon Springs, une filiale d’International Springs, une compagnie américaine qui avait des contrats avec les grands manufacturiers américains. Cette firme s'occupait aussi de camions lourds. M. Gagnon avait l'intention de construire une écurie de courses au Québec afin de devenir le « Roger Penske canadien ». Il voulait, par le fait même, conquérir les championnats provinciaux et nationaux. Il visait même aller explorer le marché américain avec la Trans-Am. Il débuta tôt la saison ‘68, par l'achat de l'une des vingt-six Mustang 1967 de compétition construites par Shelby. C’est d'ailleurs au volant de l’une de ces voitures que Jerry Titus a gagné le championnat en ‘67. Celle achetée par M. Gagnon avait déjà appartenu à un américain qui avait participé en ‘67, à quelques courses de la série Trans-Am. On y ajoute les couleurs de l'équipe Gagnon, c'est-à-dire toute blanche avec le capot noir et une bande noire traversant la voiture.

M. Gagnon décide d'aller tâter le pouls aux USA afin de rôder sa nouvelle équipe. Il sollicite les services de François Favreau et de Marius Amyot, deux pilotes possédant les licences internationales requises pour participer aux 12 heures de Sebring, en Floride. Ces deux pilotes resteront avec l'équipe Gagnon en ‘68 pour seconder Richard jusqu'à l'obtention de la licence qui lui permettra de participer aux courses internationales.

Kriss Harrisson deviendra le quatrième pilote à courir avec l'équipe. Kriss, plus tard, achetera la Mc Laren MK3 de John Cordts et participera à la Can-Am en ‘69, sous le nom d'écurie Canada. Tout le monde se souvient de Gilles Villeneuve, qui a débuté en formule Atlantique, avec le support d'écurie Canada et de Kriss Harrisson. Tout est en place pour Sebring et quelques autres canadiens sont de la partie, donc Craig Fisher qui co-pilote la deuxième voiture de l'équipe Penske, avec Mark Donohue. Craig Fisher est le protégé de Terry Godsall qui est propriétaire d'une concession Euclid au Canada, une division d'équipement lourd de GM. Il supporte Craig depuis un moment en lui confiant ses voitures de compétition. Craig a bien figuré en série Trans-Am en 67 et a terminé la saison avec Penske. Pour 68, Terry Godsall débute la saison en commanditant la deuxième voiture de Penske pour Fisher. C'est pourquoi, on voit sur l'auto, l'association Penske-Godsall-Racing. Godsall s'associera plus tard, dans la saison, avec Jerry Titus pour former le TG Racing, équipe qui deviendra la compagnie officielle pour le développement Firebird en Trans-Am. On verra bientôt Terry Godsall être très près de Robert Gagnon pour l'évolution de la nouvelle Firebird.

Le voyage en Floride fut très fructueux pour l'équipe Gagnon, en terminant sixième en Trans-Am, une position derrière la Javelin d'usine de Ronnie Kaplan conduite par Peter Revson et Skip Scott. Robert Gagnon profite de l'occasion pour acheter la voiture gagnante de l'épreuve, c'est-à-dire la Camaro de l'équipe Penske, conduite par Mark Donohue et Craig Fisher. Entre-temps, dans les ateliers de M. Gagnon à Montréal, on construit une Nova pour les courses régionales. Terry Godsall, ayant le projet Firebird en tête pour Fisher qui a quitté l'écurie Penske, a demandé l'aide financière de M. Gagnon, pour la construction et le roulement de l'équipe. Donc, M. Gagnon se retrouve, en moins d'un an, propriétaire de trois voitures de course, commanditaire de quatre avec celle de Godsall-Fisher, et de cinq pilotes attitrés plus l'équipement et les pièces de rechange; s’additionne aussi un budget de 75 000$ à 100 000$ pour l'année. Imaginez, on est en 1968.

M. Gagnon demande à Craig Fisher de rôder la Camaro à Lime Rock lors de l'épreuve Trans-Am; il part cinquième mais ne terminera pas à cause d'un bris mécanique. La voiture revient au Québec et on entreprend la saison. François Favreau conduit l'ex Penske Camaro, Kriss Harrison s'occupera de la Nova, Marius Amyot pilotera la Mustang mais laissera sa place, tôt dans la saison, à Richard Brown. Marius délaisse peu à peu la compétition pour s'occuper de son commerce qui est similaire à celui de M. Gagnon dans la région de Rimouski. Richard commence à faire des siennes au volant de la Mustang. La voiture est moins performante que la Camaro mais a souvent de meilleurs résultats. M. Gagnon, voyant le phénomène, confie la Camaro à Richard. Celui-ci obtient de très bons résultats et, pendant ce temps, la Mustang est détruite lors d'une pratique et sera vendue en pièces détachées. Richard se présente au Runoff Canadian qui se déroule à Westwood en Colombie-Britannique et termine deuxième avec la Camaro. Pendant ce temps, Fisher obtient de très bons résultats en Trans-Am, avec la Firebird, et termine souvent avec en 2e et 3e places. Le nom de Gagnon Springs est reconnu partout au Canada et aux U.S.A.

Le rêve de Robert Gagnon coûte très cher et il réalise que ce hobby lui prend beaucoup de temps. Le problème est qu'il y a trop de voitures et trop de séries et le manque de temps, pour les préparations et les déplacements, freine le bon roulement de l'entreprise. C'est alors qu'une restructuration de l'organisation est nécessaire, la Mustang a été détruite, la Camaro et la Nova sont vendues, par contre, M. Gagnon rachète la Firebird de Terry Godsall, pour la saison 69, et retient Richard Brown comme pilote pour la série complète de la Trans-Am de 1969.

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